Ouvrages graphiques

Que chaque chose devienne naturellement artificielle

Le collage se nourrit de la pléthore d’images que la société contemporaine produit ; il s’approprie ses détritus ; il absorbe tout et n’importe quoi dans son champ visuel. Il propose à l’éphémère, une nouvelle signification par la recontextualisation. Comme le hip-hop, l’échantillonnage et le mixage, le collage utilise une juxtaposition de fragments existants à partir de sources disparates, indéfinies ; et, peut-être plus que tout autre médium artistique, il reflète un désir de rendre compte du chaos du quotidien sans neutraliser son potentiel.

L’œuvre fragmentaire n’élargirait plus aujourd’hui «les limites du sens – de ce qui est dicible et représentable – et du même coup les limites du monde et celles du sujet» (selon les propos du théoricien de l’art de la modernité Albrecht Wellmer), ne remplirait plus cette obligation fondamentale : non «dissiper ou résorber le chaos, mais bien», au contraire, «le construire ou … faire œuvre de désorganisation»1.

Mes ouvrages graphiques et collages numériques proposent un bestiaire aux motifs récurrents, des histoires et des mythes que je questionne. Oiseaux en tous genres, insectes, et divers animaux peuplent mes créations dont l’univers aux apparences naïves questionne nos rêves, nos pulsions et nos fantaisies.

Dans le pluralisme qu’appelle forcément l’usage de matériaux composites (en réalisant d’étranges frôlements/-frottements entre des éléments-résidus appartenant aux arts reconnus et à des formes mineures ou «populaires», en travaillant à l’intersection provoquée/subie de multiples traditions et expressions culturelles, dérivant entre passé et contemporanéité), je souhaite concrétiser ce que John Cage appelait l’«interpénétration sans obstruction». 

1 Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy